Plus de 2000 mètres de fond dans le
secteur d'exercice de la «Minerve»
Le
27 janvier 1968, à une heure du matin, la Minerve est devant
Toulon, en rade des Vignettes, pour débarquer le Lieutenant
de Vaisseau Merlo, officier d'entraînement.
Elle fait route ensuite vers son secteur de plongée qui est
situé approximativement à une douzaine de milles dans
le Sud-Sud-Est du Cap Sicié.
Il est important de noter que la Minerve trouvera donc dans sa zone
d'exercice des profondeurs supérieures à 2 000 mètres
et cela est tout à fait normal devant Toulon où la
ligne des fonds de 1 000 mètres passe à une dizaine
de milles de la côte, et la ligne des fonds de 2 000 mètres
la suit de très près.
Au cours de cette journée du 27 Janvier 1968, la Minerve
doit faire deux exercices de détection magnétique
avec un avion Breguet Atlantic du Groupe aéronaval n°
6. basé à Nîmes-Garons. A cette occasion aussi,
on vérifiera le radar de l'avion. Le sous-marin doit rallier
Toulon vers 21 heures (à plus ou moins 4 heures près
: incertitude admise).
Le
mauvais temps gêne les liaisons avion-sous-marin : exercices
annulés
Il
fait très mauvais ce jour-là. Au petit jour, période
généralement calme, un solide mistral de NordOuest
souffle déjà à une vitesse de 50 à 60
noeuds et ne fera que croître. La mer est estimée force
5 à 6.
Le Breguet Atlantic, commandé par le Lieutenant de Vaisseau
Queinnec, décolle à 6 h 54, passe à 7 h 15
à la verticale du Planier et établit très correctement
une double liaison radio avec la Minerve à 7 h 19.
Par contre, et en raison de l'état de la mer, les émissions
de la Minerve ne sont reçues à aucun moment par la
base Aéronavale de Nîmes-Garons. Il est vrai que le
sous-marin est en plongée, dans une mer creusée, qui
doit sans cesse mouiller son antenne. Même avec l'avion, qui
est tout proche, les liaisons radio ne vont pas tarder à
devenir très mauvaises.
Fort judicieusement, dès la première prise de contact
avec le sous-marin à 7 h19, l'avion signale que, à
cause du temps, les exercices de détection magnétique
sont annulés et qu'il fera seulement deux passes pour vérifier
son radar.
La Minerve reçoit correctement la communication et effectue
les émissions nécessaires à la vérification
des appareils de l'avion. Elle signale aussi de temps en temps à
celui-ci l'azimut dans lequel elle relève ses émissions.
L'avion fait d'abord route à l'Est vers le sous-marin, tourne
sur la droite autour de lui mettant cap au Sud pendant un quart
d'heure environ et enfin fait route au Nord-Nord-Est vers sa base.
A 7 h 37, vingt minutes après le début de l'exercice,
les liaisons avec le sous-marin deviennent très mauvaises.
La Minerve signale qu'elle a son schnorchel sorti et que ses difficultés
de transmissions sont causées par l'état de la mer.
A 7 h 43 elle signale encore à l'avion et très correctement,
l'azimut dans lequel elle le relève.
La
dernière manifestation de la «Minerve» a eu lieu
à 7 h. 55
L'avion
qui a fait demi-tour à 7 h 45 et qui est revenu au voisinage
de la Minerve, lui signale à 7 h 55 : je compte annuler à
8 h 00 la vérification radar.
Le sous-marin répond : « je comprends que vous annulez
cette vérification : m'avez-vous entendu ? »
« Je vous ai entendu » transmet l'avion.
Comme il reste quelques minutes avant la fin de l'exercice, l'avion
essaye de capter l'émission que doit faire le sous-marin
pour lui permettre de vérifier son radar : il n'entend plus
rien.
De 7 h 55 à 8 h 09, l'avion appelle plusieurs fois le sous-marin
mais ne reçoit aucune réponse.
En fait, l'échange de signaux de 7 h 55 sera la dernière
manifestation extérieure de la Minerve.
La cessation des liaisons est relativement brusque. Normalement
le sousmarin aurait dû s'assurer que l'avion était
en liaison avec sa base avant de quitter la veille.
Il est d'usage d'annoncer la fin de l'émission et d'échanger
en se quittant une formule de politesse.
L'avion ne s'en est pas inquiété, car étant
donné l'état de la mer, il était logique d'admettre
que le sous-marin avait perdu l'immersion périscopique à
7 h 55 sans être en danger pour cela. L'heure de la fin d'exercice
était toute proche.
A la vacation de 11 heures, ce même jour, le Commandant des
sousmarins en Méditerranée signalait à la Minerve
l'annulation des exercices en raison de la météo,
et lui donnait liberté de manoeuvre. La Minerve n'avait pas
à accuser réception de ce message.
Le retour de la Minerve pouvait être escompté le 28
janvier jusqu'à 1 heure du matin. Le sous-marin n'étant
pas rentré à cette heure-là, on s'inquiète
à la 1ere escadrille de sous-marins, à son sujet.
Le Lieutenant de Vaisseau Vinot, Officier de suppléance prévient
le Capitaine de Frégate Gelas , Commandant par intérim,
de la non-rentrée du sous-marin.
A 2 h 15, la procédure « Recherche de sous-marin »
est déclenchée.
Deux
bâtiments de commerce traversaient la zone d'exercice
Pendant leur période d'intercommunication et avec beaucoup
de soin, le Breguet Atlantic signale au sous-marin la position et
la route des bâtiments de commerce se trouvant au voisinage
; à 7 h 40 un cargo de 6 000 t à 15 milles au Sud
de la Minerve route à l'Est ; à 7 h 55 un pétrolier
en route vers Marseille, encore plus Sud ; aucun West à proximité
immédiate. Mais par forte mer, le radar des avions est fortement
brouillé par le « retour de mer ».
Un navire a pu échapper à la surveillance de l'avion.
Référence
: "La perte du Sous-Marin Minerve" par le C.A. (R.) Sacaze
dans La Revue Maritime ( Avril 1968 )