De
nombreuses forces navales sont au large de Toulon le 27 janvier
1968
Comme
il sera question de divers phénomènes physiques, ayant
pu causer l'accident, il est bon de savoir qu'en même temps
que la Minerve, de nombreuses forces navales étaient au large
de Toulon.
Forces de surface : le
Cassard,
l'Agenais,
le
Brestois
et le
Béarnais
sont en exercice entre les Salins d'Hyères et la Corse avec
l'Enjoué,
le
Frondeur,
l'Adroit
et l'Alerte.
Sous-marins : la
Flore
et l'Eurydice
sont au large de la Corse. La Vénus
et
l'Ariane
sont au Sud de Porquerolles. L'Amazone
effectue un transit vers la Corse.
Deux avions de l'Aéronavale sont en patrouille dans ce même
secteur.
Les
bâtiments sur place commencent immédiatement les recherches
Dès
3 heures 30, le dimanche 28 janvier, moins d'une heure après
le déclenchement du dispositif, on trouve déjà
en patrouille dans le secteur d'exercice de la Minerve
:
- un avion Breguet-Atlantic.
- le Cassard,
l'Agenais,
le Béarnais,
l'Enjoué,
l'Adroit,
l'Alerte
et le Frondeur.
Au jour, un hélicoptère explore la bande côtière
(10 nautiques) pendant qu'un avion Alizé ratisse le large.
A 09 h 30, arrivent en renfort les dragueurs de la 30e Division
et tous les remorqueurs et autres bâtiments disponibles de
la Direction du port auxquels s'ajoute à 12 heures le Groupe
Kersaint,
Jaureguiberry,
La
Bourdonnais.
Enfin le Porte-Avions Clemenceau
qui a fait rappeler son personnel dans les rues de Toulon avec des
haut-parleurs se présente dans la zone à 14 heures
avec deux flottilles d'hélicoptères.
Les
instructions du Chef d'Etat-Major de la Marine
Marine
Toulon a donc mis en oeuvre immédiatement tous les moyens
disponibles. Le Chef d'Etat-Major de la Marine, intervient alors
pour que le maximum d'efficacité soit obtenu de ces moyens.
Le but recherché à atteindre est de sauver les survivants
qui peuvent encore exister dans la coque du submersible. Pour cela,
les recherches dans le secteur de la Minerve où les fonds
sont supérieurs à 2 000 mètres, et plus au
large, sont inutiles. Au-delà de 5 à 600 mètres
de fond, le sous-marin est écrasé par la pression
de l'eau, et aucune vie n'y est possible. On ne peut espérer
trouver de survivant que si la Minerve a eu son accident par fonds
relativement faibles, au cours de son voyage de retour à
Toulon. Il faut d'autre part, agir dans les délais les plus
rapides, car le sousmarin a au maximum pour 100 heures d'oxygène.
Voici donc les sages instructions que donne le Chef d'Etat-Major
de la Marine le 28 janvier en fin d'après-midi.
« Dans l'état actuel de nos connaissances, on peut espérer
que la Minerve repose sur le fond, sans être écrasée,
sur la route qui va de son secteur de plongée à la
Rade des Vignettes. Je compte que tous les navires munis de sonars
seront employés cette nuit pour explorer les fonds inférieurs
à 600 mètres».
Et il ajoute un peu plus tard « Recherches doivent rester orientées
vers la localisation de la Minerve dans les zones où la profondeur
permet la survie du personnel ».
Pendant cinq jours pleins, un dispositif de recherche très
étoffé passera au crible la zone sensible. Ce dispositif
comprendra d'abord un groupe de 4 escorteurs dont le La Bourdonnais,
le Bouvet et le Normand dans la zone côtière à
l'Ouest du Cap Sicié. Un groupe de 3 escorteurs et d'un sous-marin
sera utilisé à l'Est de Sicié. Dans les abords
immédiats de Toulon, entre Sicié et Porquerolles et
au Nord du 43e Parallèle, 4 escorteurs côtiers et des
hélicoptères exploreront cette zone. Les sous-marins
Ariane et Vénus recherchent leur bateau-frère au Sud
de Porquerolles. Des recherches visuelles sont faites par des dragueurs
et remorqueurs dans la zone des grands fonds, pendant que les hélicoptères
du Clemenceau font des patrouilles incessantes.
La
Marine rassemble à Toulon tous les moyens militaires et civils,
français et etrangers :
C'est ainsi que l'escorteur d'escadre La Galissonière, le
bâtiment de guerre le mieux équipé en sonars
de recherche, participe aux recherches avec ses sonars à
basse fréquence particulierement précieux pour la
recherche des sous-marins en plongée.
L'Elie Monnier est là avec toute l'équipe du groupe
de Recherche sous-marine et sa tourelle Galeazi. Là aussi
est le Terebel avec son Télénaute de l'institut français
du pétrole.
Le Commandant Robert Giraud convoie la soucoupe Cousteau que son
auteur manoeuvrera lui même dans les investigations.
Le dragueur Pâquerette et la vedette Winaretta apportent leur
magnétomètre et le sonar latéral anglais de
l'institut français du pétrole.
Dès le lundi 29 janvier au matin, l'Etat-Major de la Marine
demande à la marine américaine quel concours elle
est susceptible d'apporter aux opérations de recherche et
de sauvetage. Une réponse presque immédiate indique
:
- que le bâtiment de sauvetage Petrel est en route pour la
Méditerranée et y rentrera le 31 janvier.
- qu'aucun matériel de sauvetage américain valable
n'existe en Méditerranée (à Naples en particulier).
- que du matériel de sauvetage (compresseurs et flexibles)
est en cours de rassemblement aux Etats-Unis et peut être
transporté par air à Toulon dans un délai de
24 heures.
Ce dernier point intéresse particulièrement la marine
française qui par la suite accueillera avec gratitude toutes
les propositions venant de la marine américaine.
Tant par l'échange de messages personnels entre les deux
Chefs d'Etat Major, l'Amiral Moorer et l'Amiral Patou, que par conversation
avec l'Attaché Naval, Paris demande que compte tenu des faibles
délais nécessaires au transport le matériel
de sauvetage soit tenu prêt a être expédié
pendant tout le temps où un espoir peut être conservé
de tenter le sauvetage.
Et si le Pétrel ne s'est pas arrêté à
Toulon, c'est qu'il ne pouvait y être que le 2 février,
après l'arrêt des recherches.
Des
contacts « sonars » ont donné certains espoirs
:
les investigations faites ne les ont pas confirmés
Citons les principaux :
- A 10 milles au Sud de Cepet, un contact très net a été
obtenu par le Jaureguiberry, confirmé par détection
magnétique. Le Commandant Cousteau a plongé dessus
avec sa soucoupe : il s'agissait d'une vieille épave.
- A 4 milles dans le Sud-Ouest du Cap d'Armes, le sous-marin Ariane
a eu un contact sonar assez net. Plusieurs recherches successives
n'ont pu le confirmer.
- Un contact des dragueurs côtiers devant Escampo-Barriou
s'est révélé dû à une anomalie
du relief.
- Un contact de La Combattante devant La Ciotat, contrôlé
par l'Elie Monnier et le Terebel, était causé par
des filets de pêche déplacés.
Le
2 février au matin les recherches sont suspendues
Pendant
plus de 5 jours pleins, les 28, 29, 30, 31 janvier et 1" février,
les recherches de l'épave de la Minerve se sont poursuivies
inlassablement avec tous les moyens que la Marine avait pu rassembler.
Même s'il y avait eu des survivants après la catastrophe,
ils étaient après ce laps de temps et depuis de nombreuses
heures sans oxygène ; il fallait bien admettre la cruelle
évidence.
Aussi un télégramme du jeudi 1" février à
20 heures ordonnait la suspension des recherches le 2 février
au matin. Dès le début d'ailleurs les sous-mariniers
étaient non sans raison pessimistes. Il fallait admettre
en effet que la Minerve avait plongé très en dehors
de son secteur de plongée pour avoir eu son accident sur
des fonds accessibles ou encore que l'accident s'était produit
pendant son trajet de retour à Toulon, effectué en
surface. Aucune manifestation extérieure venant de la Minerve
et pouvant faire supposer qu'il y avait des survivants, n'a été
signalée pendant les recherches.
Certains indices font supposer que l'épave de la «Minerve
» gît par grands fonds au Nord de son secteur. Cette
densité de recherche autour de Toulon n'a pas été
absolument vaine.
Trois remorqueurs de la Direction du Port de Toulon ont observé
le 28 janvier une nappe d'hydrocarbure à 3 milles au Nord
de la limite supérieure du secteur de la Minerve. Une analyse
a confirmé la possibilité que cette nappe provienne
du gas-oil de la Minerve.
Une très grande incertitude plane sur la position relative
de l'épave par rapport à ces indices, étant
donné les grandes profondeurs environnantes et l'ignorance
des courants sous-marins régnants.
Autre indice : dans la matinée du 27 janvier des enregistrements
d'écoute ont noté une anomalie assez forte, dans la
direction de la partie Nord du secteur de la Minerve.
L'accident s'est-il produit là et à ce moment là
? C'est ce que la suite de l'enquête devra élucider.
Référence
: "La perte du Sous-Marin Minerve" par le C.A. (R.) Sacaze
dans La Revue Maritime ( Avril 1968 )