LE 27 FEVRIER I969

RECHERCHES DU S0US - MARIN "MINERVE"

Le Service Presse-Information diffuse en pièce Jointe l'exposé prononcé le Vendredi 31 Janvier devant l'Académie de marine, par le Capitaine de Frégate SEVAISTRE de l'Etat-major de la Marine et destiné à faire le point actuel des recherches de l'épave de la "M I N E R V E"

Le Capitaine de Vaisseau RIBUOT

Chef du Service "Presse-Information"

La disparition du sous-marin "MINERVE" connue dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 Janvier 1968 a vivement frappé l'opinion par son caractère dramatique. Le 1èr Février, les recherches étaient interrompues, tout espoir ayant disparu de retrouver des survivants. Mais il était du plus haut intérêt de localiser l'épave, en examiner les débris afin de déterminer les causes du sinistre. Ces causes pouvaient avoir. de très grosses conséquences sur la mise en service et la conception du matériel des sous-marins du même type, qu'ils soient en service dans la Marine Française ou en cours de construction ou d'armement pour des Marines Etrangères.

Des opérations ayant pour but cette localisation ont donc été menées pendant l'année 1968 Elles se sont soldées par un échec puisque nous ignorons toujours la position de l'épave, mais elles ont été très riches en expérience de tous ordres qui justifient qu'on on expose le déroulement et que l'on cherche à en tirer les enseignements.



Avant de pénétrer dans le vif du sujet, disons d'abord. un mot sur la "MINERVE" elle même. Elle était le septième sous-marin du type DAPHNE construit chez DUBIGEON à NANTES sur le budget 1957, mise sur cale en 1961, lancée en mai 1961, admise définitivement au service actif en Juin 1964 ; c'était un bâtiment de 700 tonnes Washington, 1 040 tonnes en plongée, ayant 58 mètres de long, 5 mètres 90 de large, pouvant faire de l'ordre de 15 nœuds en plongée. Elle avait à bord 6 Officiers, 19 Officiers Mariniers 28 quartiers-maîtres et Matelots. Sortie de grand carénage en 1967, elle était commandée par le Lieutenant de Vaisseau FAUVE qui avait pris son commandement le 21 Janvier. Cet Officier, sous-marinier confirmé, en était à son deuxième embarquement sur sous-marin de ce type. La semaine du 22 au 27 Janvier avait été consacrée au stage de mise en condition opérationnelle qui suit toujours une prise de commandement de l'Officier entraînement de la 1ère Escadrille de sous-marins avait débarqué aux VIGNETTES dans la nuit du 26 au 27, le stage ayant été pleinement satisfaisant.

Après ce mouvement, le sous-marin avait fait route vers le Secteur T.65 situé au Sud du Cap SICIE ou il devait faire des exercices avec des avions de la base aéronavale de NIMES-GARONS. C'est donc autour de ce secteur que devaient se concentrer des recherches systématiques et de longue haleine. Mais il était difficile de savoir s'il fallait couvrir une zone plus grande que le secteur T.65 et de combien. Les renseignements que l'on possédait le 1er février étaient assez maigres, certains contradictoires. On peut les résumer de la façon suivante :
- La disparition de la "MINERVE" a été reconnue quand elle n'est pas rentrée au mouillage à TOULON après l'heure limite prévue à 21 heures le 27. On savait simplement qu'un peu avant huit heures au matin elle était en plongé au schnorchel approximativement dans son secteur et les exercices avec aéronefs postérieurs à 8 heures avaient été annulés en raison d'un très violent mistral. Il y avait tout lieu de croire qu'elle était restée à la mer en exercices individuels comme ses ordres l'y autorisaient. Le sinistre avait donc pu se produire a un moment quelconque entre 8 heures et 21 heures aussi bien dans son secteur qu'aux environs sur les routes menant de ce secteur à la côte et à TOULON.


- Le sous-marin avait quitté la rade des VIGNETTES vers une heure du matin, une erreur importante sur son estime l'écartant de son secteur de plongée était donc très peu probable.

- il y avait très peu de chances pour que le Commandant soit sorti délibérément et de façon importante du secteur qui lui était attribué, bien qu'un samedi matin les secteurs voisins aient été libres.

- à 07h55, le 27 janvier, la liaison radiophonie entre la MINERVE et le BREGUET ATLANTIC avec lequel elle travaillait était interrompue sans raison apparente. Les dernières paroles échangées étaient les suivantes :
L'avion : "Je compte annuler la calibration radar à 8 heures".
LA MINERVE : (voix d.'un officier) : "Je comprends que vous annulez la calibration radar..Répondez".
L'avion : "Affirmatif"
L'avion ne peut plus ensuite reprendre le contact radio. Malgré l'absence de signe de procédure marquant la fin de 1a liaison, cette interruption n'avait qu'une valeur très relative étant donné 1'état de la mer, le sous-marin étant au schnorchel. Elle était cependant la dernière manifestation connue de LA MINERVE, donc un indice à ne pas négliger.
Au moment de cette perte de contact radio, l'ATLANTIC situait le sous-marin dans une position au dehors du Secteur T.65 et dans son sud-est.

- pendant les recherches antérieures au 1er février, des bâtiments avaient aperçu une tache d'hydrocarbures assez importante au Nord du secteur 65. Cette tache, d'après les témoins ( Premiers-Maitres patrons des remorqueurs de la Direction du Port de TOULON), semblait être produite par du gas-oil à l'odeur caractéristique remontant du fond sous forme de grosses bulles.

- une enquête marée auprès des bâtiments de commerce. qui étaient passés ce jour là au Sud de TOULON, et l'examen de leur coque par plongeurs permettait d'exclure l'hypothèse de l'abordage comme très improbable.

- en dehors de la tache d'hydrocarbures, i1 n'y avait eu aucune trace en surface pouvant être identifiée comme provenant de 1a MINERVE. Des débris avaient été ramassés lors des recherches antérieures au 1er février mais aucun n'était caractéristique, et beaucoup provenaient probablement des bâtiments de commerce passant au Sud de TOULON.

La zone couvrant des positions ou pouvait se trouver l'épave était donc étendue. Elle englobait les secteur T.65 le secteur T.66 et leurs abords au Sud et au Nord ainsi que toutes les routes allant de ces Secteurs vers la côte et Toulon. Des renseignements extérieurs à la Marine et inconnus pendant les recherches effectuées avant le 1er février allaient cependant permettre de restreindre considérablement la zone à explorer ou prescrite. Le dépouillement d'enregistrements effectués par les stations sismologiques révélèrent en effet qu'à. 7 heures 59 minutes et 25 secondes, le 27 janvier, il s'était produit un phénomène que l'on rapprocha de la disparition de la MINERVE .Une étude permit de déterminer que ce phénomène correspondait à une explosion dont la puissance était de l'ordre de grandeur de celle que produirait à l'immersion de destruction d'un sous-marin type DAPHNE l'implosion d'une bulle de 600 cubes de gaz à la pression atmosphérique. La localisation qui pouvait on être déduite mettait le centre de la zone d'incertitude très légèrement dans l'Est du Secteur T.65.

Des renseignements aussi troublants, rapprochés de l'heure à laquelle les liaisons radio avaient été interrompues avec le BREGUET ATLANTIC (7 heures 55) permettaient de fixer, avec une certitude très élevée le moment du sinistre. Ceci. aurait pu restreindre le champ d'investigation mais il restait à lever certaines discordances entre la position donnée par l'aéronef et celle de la tâche d'huile par exemple. Pour cela les mois d'avril et de mai ont été consacrés à des expériences diverses. Une première série a cherché à déterminer ou pouvait se placer l'origine des remontées d'huile. Cette série n'a d'ailleurs rien donné ca elle aurait dû probablement être effectuée par fort mistral et ses effets auraient alors été impossibles à observer.

Une autre série a été effectuée pour chercher à améliorer la précision de la position du point A (position donnée par les relevés sismologiques ) en faisant exploser des grenades sous-marines très puissantes.

La position de l'aéronef était soumise elle aussi à une critique très serrée et donnait lieu à une légère rectification. Elle restait cependant assez incertaine. Pour la petite histoire, est-il bon d'ajouter que parmi les nombreux renseignements fournis par les radiesthésistes, un seul a semblé cohérent.

Dès le 1er février cependant, l'Etat-major de la Marine entreprenait l'étude des moyens qu'il serait nécessaire d'utiliser pour mener des recherches poussées. Deux opérations menées par les américains donnèrent de précieux renseignements. Notons que la première concernait la recherche du sous-marin THRESHER disparu en avril 1963 près du rebord du plateau continental au Sud de la NOUVELLE ECOSSE, par des fonds de l'ordre de 1000 brasses. Cotte recherche avait donné lieu à deux campagnes, une. de cinq mois en 1965 et une de trois mois en 1964. La première campagne THRESHER avait immobilisé trois douzaines de navires et des milliers d'hommes. La deuxième opération avait été la recherche sur la côte espagnole de Méditerranée près de PALOMARES, d'une bombe nucléaire tombée à 1a mer à la suite de la collision survenue le 17 Janvier 1966 entre un bombardier et son avion ravitailleur. Cette bombe avait été récupérée 80 jours après l'accident par fond de 2850 pieds (soit environ 870 mètres) sur le talus du plateau continental.

Dans le même ordre d'idées, nous avons su récemment que le sous-marin nucléaire SCORPION a été retrouvé par le navire spécialisé MISAR après qu'une localisation par une chaîne d'écoute de fonds ait considérablement restreint le champ des recherches mais nous n'avons pas encore de renseignements précis sur cette opération.

Ces deux opérations américaines du THRESHER et de PALOMARES montraient que de telles recherches étaient très difficiles et demandaient d'énormes moyens, dont certains étaient très spécialisés. La Marine Nationale ne possédait évidemment que des moyens restreints, mais parmi ces moyens il y en avait qui répondaient, au moins partiellement, aux exigences de recherches par grands fonds en particulier le super-bathyscaphe ARCHIMEDE.

Aussi était-il décidé de mener deux campagnes successives, une première en 1968 avec les moyens en notre possession, une autre, éventuelle en 1969, avec des moyens plus développés qu'il faudrait définir et financer. Il s'agit ici de décrire la campagne 1968.

Le super-bathyscaphe ARCHIMEDE

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